LES COMORES
Je quitte Dar Es Salam(La plus grande ville tanzanienne) sur un cargo d'origine norvegienne tres rouillé et très essouflé.Cinq jours de traversée parmi les plus fous et stressants de ma vie.Le bateau se traîne a 4 noeuds,il est en dessous de son allure normale de 6 ou 7 noeuds.Les 120 zebus sur fond de cale dégagent une odeur de plus en plus désagreable.Les pistons des moteurs sont en surchauffe,beaucoup ont le mal de mer et nombreux pensent qu'ils vivent leurs derniers instants sur ce bateau inquiétant surchargé de marchandises pour la vie ordinaire des comoriens.Il y a une ambiance à la fois de joie aventurière et de détresse sur cette carcasse métallique dont c'est la deuxième vie après celle des fjords de la Norvège.Les comoriens l'ont baptisé le "Shissiwani"(Qui signifie quelque chose que j'ignore encore). Didier le vagabond nomade cycliste de par le monde occupe une surface plus grande de deux matelas que les autres passagers,sur le second il a étalé dessus sa bicyclette.Ces matelas alimenteront des commerces Des Comores.Il se sent très amoureux de son existence aventurière.Prévoyant il a rempli une de ses sacoches de provisions de bouche et de trois litres d'eau.Il ne doit pas se faire surprendre par un passager en train de se servir dans sa secrète réserve.En effet tout le monde se surveille très jaloux si un autre a plus qu'un autre.Les assiettes que préparent les chefs sous les mufles et les queues de zébus sont peu appétissantes,ceux-ci confondent vent du large avec bonnes senteurs et bruit de l'eau marine avec crépitements des braseros.Les repas sont invariablement les mêmes:riz,manioc frit,viande de zébu ou de poulets et bananes préparées dans des grosses marmites huileuses qui dispersent des relents rances.Après trois jours de mer un zebus meurt d'épuisement puis un second le jour suivant,c'est une aubaine pour la plupart des comoriens à bord.Peuple carnivore s'il en est un,ils vont pouvoir se rassasier de viande fraiche tel des vautours.Ils découpent les bêtes trépassées à qui mieux le mieux.Certains suspendent les morceaux à sécher au soleil,tous ils font griller les bouts sur les braseros,puis ils s'empiffrent semblables à des charognard impénitent.Didier est à demi intimidé et dégoûté témoin de telles hardiesses peu civilisées.Vingt-quatre heures avant d'accoster à Moroni,capitale du pays sur la plus grande île Des Comores tout de même très très petite à l'échelle du monde.Il a fini ses provisions et son eau en bouteille.Il préfère jeûner plutôt que de devoir goûter à la pitance et à l'eau trouble servies sur le cargo.La terre de destination est en vue,le bonheur général est de retour,les passagers et l'équipage sourient aux anges,certains éclatent de rire.Après le désespoir de la mort,un naufrage prévisible,les voilà à nouveau promis à l'éternité humaine.Il est minuit l'arrivée au port est en vue très proche mais la nuit les douaniers ne travaillent pas,le cargo jette sa lourde ancre rouillée et tout le monde doit accepter un dernier somme à bord en dépit de l'envie trépidante de quitter le bateau de trop de peur.Tous ils emporteront inscrit dans leurs tripes l'épouvante d'un naufrage mortel au loin en mer comme lynchés par un destin trop cruel. Le soleil levant embrase l'azur à l'est tandis que les autres horizons se couvrent d'une lumière laiteuse de plus en plus brillante.Le bateau lève l'ancre,les hommes réalisent encore à peine qu'ils sont enfin arrivés.Nombreux d'entre eux se photographient devant les constructions du bord de mer et les grands cargos reformés du port,leurs vies ne vont pas cesser de sitôt. L'atmosphère est atypique dans le centre de Moroni,quasiment tout le monde n'aime entendre parler que de la religion musulmane,tous sont de dociles pratiquants.Les coutumes très spécifiques s'ajoutent aux rites classiques.Une célébration de mariage est une fête magistrale,les costumes sont des parures merveilleuses.Les hommes et les femmes forment deux groupes nombreux,un soir les femmes font le spectacle,le jour suivant ce sera les hommes et c'est à elles alors d'être spectatrices.Didier découvre une fête dont il ignorait tout.Même avec l'imagination la plus fertile il n'aurait pas deviner dans son passé un tel spectacle.La cérémonie suscite son respect pour cette populations aux airs d'innocences et aux comportements calmes et courtois,cependant il ne reste pas longtemps là droit sur ces deux jambes figé parmi d'autres individus à contempler une danse lente et monotone.Le tempo de la musique est assourdissant,une grosse caisse ponctue le rythme,des cymbales colorent la sonorité.Les femmes pour éxecuter leur danse bougent leurs hanches d'un mouvement circulaire lent et baissent leurs têtes dans une direction puis dans une autre.Les hommes eux sont encore plus statiques,ils lancent au ralenti un pied sur le côté extérieur puis passe a l'autre après une pause de momie.Bien que très original le spectacle devient rapidement lassant pour le globe-trotter qui parvient à tout aimer,à tout accepter mais qui peut se lasser de tout,instable nomade,amoureux rêveur. Ce matin il quitte la pension la plus économique qu'il a trouvé à Moroni,suite à maintes détours dans la grande ville d'un pays pays atypique qui regroupe trois petites îles isolées entre le continent africain et l'île de Madagascar.La société comorienne a grand besoin de l'argent que l'importante population en exil envoie à ceux restés aux pays pour conjurer la pauvreté et le sous-développement.Les productions locales sont une petite part des ressources des trois îles,l'Ylang Ylang(fleur mauve claire aux pétales veloutés et au parfum délicieux intense et doux),le clou de girofles...Le tourisme est trop peu développé ce qui est bien dommage.La faune a été en grande partie massacrée,les plages ont disparues car les habitants ont pris le sable pour bâtir.Les makis(ou Lémuriens) qui ont survécus à l'ignorance farouche des îliens sont refugiés loin sur les sommets de l'île et il est difficile de les apercevoir.Ces animaux sont pourtant très familiers lorsque l'on respecte leur espace vital. Tour de Grande Comore en pédalant,135kilomètres: La parcours est agréable,la route étroite s'éloigne à peine du rivage,par surprise un beau paysage côtier apparait.L'alizé donne vigueur au vélonomade.Les villageois sont amicaux,il est sans crainte avec eux... Le tour d'Anjouan à vélo,110kilometres: Le comorien type est quelqu'un de paisible et d'acceuillant. On avait prévenu Didier que le tour de l'île était très montant,inhumain pour les non-initiés et qu'il lui faudrait peut-être renoncer en cours de route.Mais les Comoriens qui l'ont renseigné ne connaissent pas assez la beauté du velo et la force des bons cyclistes.La distance totale de ses routes approche des cent milles kilomètres.Les Comores est le soixante dix-huitième pays où il continue de pédaler,abandonner sur le tour d'une si petite ile est impensable. Vraiment les parcours sont très pentus et éreintants,la route étroite est souvent en mauvais état,l'asphalte troué ou inexistant.Les véhicules zigzaguent d'un bord a l'autre de la voie à la recherche d'un passage encore possible.Le globe-trotter experimente encore de nouvelles aventures,son coeur heureux se reveille,il est promis à la jeunesse pour toujours ainsi.Une côte de douze kilomètres est une suite ininterrompues de lacets courts à la pente abrupte,il vit des instants forts de voyageurs sportifs en lutte avec lui-même,avec sa force physique,sa raison et son plaisir particulier.Les villageois du bord de la route par leur amabilité,leurs sourires et leurs encouragements l'aident beaucoup.Les gamins n'ont pas besoin de courir pour l'escorter tant il progresse lentement.Ils sont parfois jusqu'à plus de vingt marchant près de ce brave voyageur offrant un divertissement heureux qui les enchante. Je traverse la zone du ylang-ylang,les arbustes sont fleuris à leur maximum,c'est les jours de la récolte.Le parfum capiteux des fleurs est avec douceur en suspension dans l'air.J'avance seul sur la petite route plate qui ne s'éloigne pas de la côte de plus de 100 ou 200 mètres entre les cocotiers et les ylang-ylangs,c'est un parcours très agréable.Je ceuille des fleurs que je dépose dans ma sacoche de guidon,elles dispersent leur senteur sous mon nez de pédaleur.Elles sécheront là et l'heureuse compagnie durera plusieurs jours. La partie finale du tour d'Anjouan se complique,la route fait des détours et des zigzags en rentrant dans l'île et les côtes se succèdent.Dans une descente une crevaison à l'arrière me désequilibre brutalement,je parviens à garder l'équilibre en échappant de peu à une chute grave. Plusieurs arrêts pour prendre soin de mon énergie en grignotant quelque chose et en buvant de longues goulées,à chaque fois j'ai l'occasion de partager des bons mots avec les autochtones quel qu'ils soient.Retour à Mutsamudu,la seule ville de l'île de plus de 10 milles habitants.La plage de la ville et tout le rivage sur plusieurs kilomètres est une décharge publique,saletés,immondices et pourritures de toutes sortes sont versées ici par les habitants insouciants et ignorants,la baignade est impossible pour quiconque respecte l'hygiène de son corps,la vie sous marine des haut-fonds sur plusieurs centaines de mètres est anéantis,c'est la désolation écologique totale.Les rivières qui cascadent des pentes depuis les hauteurs de la ville charient toutes les ordures des riverains,c'est répugnant. Lorsque je franchis près du port un pont l'odeur pestilentielle de la rivière m'oblige à me pincer les narines entre deux doigts. Je me trouve ici car ma route nomade m'y a conduit,je ne rencontre personne avec qui partager mes pensées de révolte,je m'oblige à ne pas fixer mes idées sur un problème qui me tracasse beaucoup pourtant. Je me console avec l'amabilité des comoriens,leur esprits pacifiques et leur hospitalité.Mokadem travaille à un petit kiosque en face de la plage dégueulasse.Nous sommes devenus vite amis,je le visite plusieurs fois par jours.Il vend des billets de ferries pour les autres îles et pour Madagascar.J'ai là le meilleur conseiller pour mon trajet jusqu'à Madagascar.Je suis malchanceux car un bateau est parti pour l'île rouge un jour avant mon arrivée,maintenant plus de départ avant trois semaines.De plus le premier bateau à partir est un petit cargo vieux à la coque pourrie a faire pâlir de peur l'angoissé que je suis.Une française de 58 ans,petite aventurière et matronne,à sa propre affaire dans cette mer du Mozambique.Elle dirige un bon et grand cargo de fret.Il transporte toutes sortes de marchandises entre les îles comoriennes et Madagascar.Je la visite sur son bateau qui est beaucoup de sa fierté.Françoise me reçoit sympathiquement.Nous bavardons au sujet de nous mêmes comme deux exilés à demi solitaires ayant besoin de se rappeler d'où ils viennent.Mais elle ne veut pas me prendre avec son bateau et son équipage comorien.Elle refuse cette complication,pas même une exception pour moi,je la trouve maintenant presque antipathique. Le temps passe lentement,mon impatience d'arriver a Madagascar pour la première fois s'alourdis de plus en plus.Anjouan m'est déjà ennuyeuse,c'est comme si je ne voyageais plus stoppé sur une terre minuscule sur la mappemonde répétant les mêmes va-et-vient peu passionnants.Gilles est le seul français habitants de l'ile que je rencontre,marie a une comorienne il a une petite pizzeria agréable et joliment rustique.Il a lui-même fait la restauration et construit le four dont il parle avec une douce fierté.Avec Bernard un jeune retraité français,célibataire libertin qui aiment beaucoup les filles et les îles de l'océan Indien nous patientons pour le même bateau et mangeons ensemble chacun une bonne pizza accompagné d'un bon vin rouge chez Gilles. Trente-six heures pour arriver sur l'ile de Nosy Be à Madagascar sur un cargo bondé de passagers et surchargé de marchandises mais fort heureusement en assez bon état.Aucun comfort à bord,pas de couchette sinon celles que les passagers s'aménage à qui mieux le mieux aux quatre coins du bateau.Avec mon habitude de ne pas tenir en place je ne trouve plus d'endroits convenables pour dormir,je termine la nuit sur une bâche plastique puant la pisse,l'aventure est rude.Pour Bernard ça se passe guère mieux sauf que lui ne partage pas mon mal de mer horrible,il est robuste ce chti franco-belge.Je passe la fin de la traversée a scruter l'horizon marin essayant de me trouver bien en me persuadant que naviguer sur une mer d'huile sous un ciel printanier immense est une des plus belle chance de ma vie.Nous nous rapprochons de la terre de Nosy Be qui se dessine toujours plus grande et visible.Mes rêves de voyages deviennent à chaque fois que j'aborde une nouvelle terre une plus grande réalité.Quelle superbe aventure que de de visiter notre chère planète à la vitesse d'un vélo et à celle d'un bateau. (.... J'ai en attente dans mon esprit fertilisé par une bouleversante expérience des lignes et des lignes d'écritures racontant mes jours et mes nuits malgaches en 2013 et 2014. Je dois préparer un plan d'écriture et faire une ébauche de ce que j'écrirai.Débordé par d'autres choses importantes dans ma vie je suis dans l'impossibilité de raconter ma vie d'aventurier. Je suis donc triste pour cela mais je compte sur mon éternel courage pour que ma vie prenne le bon tour que je souhaite.Je suis en attente d'une sécurité financière confirmée et de signes favorables dans ma vie amoureuse. Voilà cette digression seront les seules lignes que je suis apte à publier sur mon enfant unique mon blog aujourd'hui. A bientôt pour un récit de mes tribulations à Madagascar et de mon mois de routes à vélo merveilleuses à l'île de la Réunion).
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