L'AUSTRALIE,HORIZON D'AILLEURS
Trente-sept jours de Perth à Adelaïde:3454 kilomètres d'aventures vélo.Le vent souffle constamment d'ouest vers est,et c'est ma direction.Une chance fantastique.Je m'imagine difficilement faire le même parcours en sens inverse.Il est souvent violent,s'il n'est pas exactement dans mon dos,l'effort de cycliste se complique rudement,pas loin d'être impossible.Pendant quatre jours,ma route est au nord et le vent me pousse de travers,ce n'est plus du cylovoyage c'est une aventure de baroudeur.Si le souffle est de face,c'est une lutte acharnée de tout instants,mais j'ai avancé pas plus de vingt kilomètres dans ces conditions.En Australie je bivouaquerai de nombreuses fois loin des hommes dans des paysages fascinants,en des endroits indomptés,peut-être dangereux.Ce soir inutile de déballer la tente,Virginie et Thomas m'invitent.Les premiers voisins sont à vingt kilomètres,ils vivent avec les kangourous,les serpents,les oiseaux.Compagnie discrète mais intensité de la nature intacte.Ils élèvent une dizaine de chèvres et font des fromages.Thomas est artiste sculpteur il me dévoile ces oeuvres ingénieuses et surprenantes.Je dormirai dans son petit atelier pour une nuit atypique très calme.Du thé chaud,des biscuits,une douche parfumées,la maisonnette est idéale pour me remettre d'une journée pluvieuse et venteuse tres éprouvante. La plus longue ligne droite du pays 146,6 kilomètres est indiquée sur un panneau routier à gauche de la route à la sortie d'un virage qui est le dernier avant le suivant à cette distance record,je me trouve dans la plaine de Nullarbor(Sans arbre).La route offre continuellement à ma vue une ligne infinie et plate qui rejoint l'horizon.Impression d'une autre planète,du jamais vraiment imaginé,aucune sensation connue se rapprochent de celles que je ressens pendant cette longue traversée.La plaine est vierge de culture,est une zone semi-désertique,le bush. Bush:Le premier sens du mot en anglais est buisson,par extension c'est la brousse.Sur quoi dois-je compter d'autre que ma force et ma volonté dans ces régions immenses et inhabitées?.La végétation est pauvre,des arbustes rabougris,de la rocaille,des pierres,le bleu merveilleux d'un ciel immense.L'horizon est plat de partout,lumineux et limpide,un espace céleste.
1200 kilometres de Norseman à Ceduna,rien de plus que des stations essence et quelques bungalows tout les cent kilomètres environ,grâce à elles il est possible de traverser la longue plaine sauvage sans surchargement,ni le besion d'une assistance.Les petites épiceries me permettent de faire le chemin avec mes tenaces habitudes.Une longue ombre sur la chaussée à cinquante mètres devant le vélo serpente dans ma direction,je regarde vers le ciel ce que ce peut être,il est trop tard pour éviter de rouler sur le dos d'un long serpent noir.Un Serpent-Tigre,endémique d'Australie,il est très vénimeux,produit en grande quantité un venin neurotoxique touchant le système nerveux central.Comme la plupart des serpents,il n'est pas agréssif,il fuit l'homme mais il devient très dangereux lorsqu'il est surpris.Se sentant menacé il se redresse,gonfle son cou un peu comme les cobras,siffle et attaque.L'animal ne répond pas à mon agression involontaire,il disparaît aussitôt.J'ai peut-être frôlé la mort,éloigné de plusieurs dizaines de kilomètres du plus proche poste de soins d'urgence.L'animal a joué avec moi et les roues du vélo sans doute.Il est venu à ma rencontre pour se faire carresser le dos.Trop souvent nous avons des peurs non justifiées avec la vie sauvage de la nature.L'instinct animal s'éffraie très souvent de l'homme,nous nous craignons mutuellement.Cela signifie qu'en surmontant nos peurs nous pouvons approcher la vie d'autres animaux réputés dangereux et faire de belles découvertes.Cet épique moment restera tel un exploit malgré moi à raconter.Les aventures difficiles d'un long voyage sont aussi parmi ses souvenirs les plus forts.Je cherche à allure ralentie un coin pour bivouaquer cette nuit.En Australie,de nombreuses constructions sont des prefabriquées et elles se ressemblent toutes un peu,je confonds,une église,une usine,un garage,un supermarché,une maison ou une prison,les uns avec les autres.Par un de ces mal aperçus me voilà pénétrant dans une prison.Je fais demi-tour heureusement assez tôt pour ne pas y rester. Je m'amuse follement de ce genre d'erreur de parcours.Elles m'inspirent des histoires imaginaires comiques.Nous avons besion d'humour,commençons par ne pas trop nous prendre au sérieux,évitons tout de même de rentrer dans des prisons par erreur d'itinéraire routier.La dérision,la légèreté,le sel de l'esprit,la drôlerie avec les mots,les situations amusantes,comiques au cours de mes longs voyages solitaires sont indispensables pour m'assurer un moral bon. Les fermes sont des domaines immenses,les plus grandes exploitations agricoles de la planète.Des champs cultivés recouvrent l'entier paysage.C'est très beau,l'homme est un savant et sage maître de l'univers.Ce soir Jeff,un robuste gaillard d'environ soixante balais,au teint frais,au regard doux avec le sourire aimable,me laisse m'installer dans son hangar où se fait la tonte des moutons.Je suis bien dans ce refuge avec les franches odeur de terre,de bétail,de machines agricoles.Jeff me parle de lui.Ma vie c'est tout les jours des découvertes passionnantes et très souvent des situations imprévues et inédites.Son exploitation est de 8000 hectares de blé et compte par ailleurs 10000 moutons dans de vastes prairies.Jeff est le manager,l'intermédiaire entre ceux de l'industrie et les ouvriers saisonniers ou temporaires.Je scrute les vastes étendues des champs de blé,les épis gigotent dans le vent,une nappe uniforme qui scintille dans la lumière,je pense à la bonté du monde et au pain pour les hommes.
Aujourd'hui est un jour différent des autres,le vent pousse si fort que je suis un voilier toutes voiles dehors et aux roues parfaites.Je dépasse ma distance record de 196 kilomètres en Ouzbékistan,198 kilomètres.La vérification des distances de mes parcours m'est importante,c'est une obséssion.Un besoin de repaire pour un nomade sans attache. L'Australie de mes rêves c'était surtout les kangourous et le peuple Aborigène.Au Sud de Perth lors de mes premier jours australiens,j'ai vu deux fois le marsupial.Un peu gentil,un peu stupide,un peu agréssif,il me plaît bien.Pour croiser des aborigènes,il m'aura fallu pédaler plus longtemps.Les humains les plus particuliers que je n'ai jamais rencontrés.Ils sont plusieurs dizaines éparpillés dans le centre d'une petite ville.Ceux-ci ont entre 15 et 70 ans,ils traînent,paressent,sont assis sur les pelouses municipales,les cheveux foncés et hirsutes,les nez épatés,les pieds nus,les habits trop larges ou trop courts,mal ajustés.Ils sont de cette terre depuis toujours,ce sont les seuls messagers véritables des vieux temps sur le continent.Entre les colons envahisseurs et le peuple premier et sa culture respectable et intéressante,des échanges,des dialogues,des partages,des compréhensions ont manqués.A la place une domination sans merci de l'un sur l'autre a fait loi.J'ai envie de partager des instants avec eux,de les connaître mieux,de les aimer peut-être.Leurs airs éffarouchés et inoffensifs sont en fait rassurants.Je regrette de n'avoir pas pris le temps d'être avec eux et de mieux découvrir leurs vraies personnalités.Lorsque je les photographie ils sont faisant de larges gestes les paumes des mains ouvertes me signifiant leurs répulsions à être des curiosités touristiques.Ce sont des hommes attachants,un peuple qui fut primitif dans un sens noble,le contre-modèle de nos sociétés,une nique à la bêtise et à la connerie,la magie d'un autre possible,la beauté dans la nature,l'esprit d'hommes liés dans un sens profond et fort à leurs lieux de vie.
Il aperçoit une zone blanche à cent mètres de la route sans deviner ce que peut être.Sa vue en raison de l'effort prolongé sur le vélo manque d'acuité.Cette nappe l'intrigue,il pose le vélo sur la béquille et s'approche.C'est un lac de sel,Didier devine une croûte pas très épaisse d'entre dix et vingt centimètres sur une surface de quelques hectares.C'est un phénomene que l'on retrouve en de nombreux endroits du pays,ici c'est un tout petit Salar d'Uyuni(Bolivie). Maintenant le vent arrive de face violent,il avance semblable à un insecte sous le poids d'une charge démesurée.Le globe-trotter pose pieds à terre plusieurs fois lorsqu'il ne tient plus en équilibre sur son engin.Il lui faut retenir le vélosacochespleines sur un côté à l'arrière pour que la furie de l'air ne le renverse pas sèchement. Il rencontre deux compères cyclistes australiens qui vont de Perth à Sydney. Cette traversée de la plaine de "Nullarbor"est célèbre,se trouver des alter-egos est un moment de joie commune,d'encouragements mutuels et de petites histoires à se dire.La route change de direction,la force du vent pousse la bicyclette,il fonce comme un insensé.Ce soir il fait une excellente trouvaille à une ferme,un jeune agriculteur lui offre de s'installer dans un bungalow avec une douche,le chauffage,une cuisine et le calme absolu en sus. Il en fini avec la plaine sauvage,inculte,semi-désertique,le "bush",avec les nombreux kangourous morts au bord de l'asphalte tués par des "roads trains" alors que supides ils voulaient profiter du plaisir de la lumière des véhicules contre eux. Il s'installe dans une maison préfabriquée inhabitée,l'habitat phare du citoyen moyen,il angoisse pensant à la malchance de se faire déloger et d'avoir à rendre compte à la police.Si certains sont très cools,d'autres sont intransigeants et sévères. Il affronte et résiste à des pluies fortes bon nombre de fois.Maintenant il est détrempé,une douche forte lui tombe dessus pendant plusieurs heures,il doit avec de l'urgence trouvé un toit avant la nuit obscure.Dresser la tente reste possible mais il ne pourra pas se sécher bien,de plus il doit poser sa guitoune à un endroit non inondé et espérer que pendant la nuit une nouvelle pluie violente ne le laisse pas éventuellement en très mauvaise posture. Le mieux serait le hangar d'une ferme,la tête dréssée il observe les deux côtés de sa route afin de ne pas manquer une opportunité pour une nuit abritée. Il cherche les propriétaires mais il n'y a personne alors il s'installe quand même dans le hangar où l'on tond les moutons.Il grimpe par une échelle sur un plancher avec les sacoches puis le vélo,c'est une gymnastique qu'il connaît bien,elle est devenue naturelle dans son mode d'éxistence.Il est un voyageur à vélo qui se débrouille parfois avec des solutions ultimes. Un train siffle et passe près de lui qui pédale.En Australie la première beauté est celle de l'espace,du ciel immense et de la terre plate qui s'enfuit au plus loin pour le rejoindre. Des retraités le reçoivent dans une villa préfabriquée,il a recontré monsieur sur la route qui terminait une boucle en vélo de course au plus bon moment et à la meilleure place pour se faire inviter.Comme il est intéressant et riche d'instructions de partager la vie des habitants avec tout ce qu'ils peuvent montrer et dire de chez eux.Ils lui offrent comme à un ami bien connu tout le confort,le lit,la douche et le manger sans rien attendre en retour que son heureuse présence.
Au grand camping d'Adelaïde,à dix minutes de marche de la côte de l'océan Indien et d'une plage de sable claire et de petites dunes qui s'étale étroite à marée haute à perte de vue,un gardien me prie de m'installer ailleurs car j'occupe une place pour des vacanciers aux campements plus volumineux.J'obtempère à contre coeur il me faut démonter puis remonter la toile.De belles familles au complet,les parents et les jolis jeunes enfants avec les plus beaux et les meilleurs équipements sont là pour des vacances hyper classiques très reposantes. Deux équipes de cricket minimes garçons s'affrontent,j'observe,c'est beau,il y a un esprit et un fair play qui me plaisent. J'achète une place d'avion pour Auckland sur internet,décidé déjà de quitter l'Australie n'ayant pas le sentiment que je découvrirai bien davantage en pousuivant dix ou vingt jours de plus jusqu'à Melbourne.Je donne un coup d'accélérateur à mon tour du monde.Le vélo est emballé dans un carton conforme.Face aux enrégistrement bagages je fais tout moi-même.Réduction du vélo à un volume minimum,c'est à dire:Retrait des deux roues posées de chaque côté du cadre,dévissage et retrait des deux pédales,retournement du guidon dans le sens du cadre,abaisement maximum de la selle,dégonflage des deux pneus.Le tout entre facilement dans l'emballage en carton spécialement conçu.Mais je ne peux pas partir en Nouvelle-Zélande sans un justificatif de sortie du pays avant l'expiration du visa touriste valide quatre vingt-dix jours.Une avenante hôtesse se porte à mon secours,elle achète avec ma carte bancaire un vol pour Tahiti dans soixante jours suivant mon choix pris dans l'urgence.Je rêvais d'être sur un voilier naviguant entre la Nouvelle- Zélande et la Polynésie Française,je suis très déçu.Le globe-trotter poursuit ses tribulations parfois imprévisibles,heureux malgré beaucoup de sueur écoulée,empli par la liberté de l'aventure et la chance de l'amour.Il est vers la moitié du tour du monde,c'est super.En Australie je n'ai pas rencontré un seul francophone,pas prononcé pendant trente-sept jours un seul mot de ma langue maternelle.
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