CHINE- SINGAPOUR
Mai-Juin 2009
Litang-Kangding(Sichuan),72/66/55/45/54 soit 292 kilomètres en 5 jours: Cinq étapes courtes mais longues par la difficultée.L'itinéraire se poursuit entre 4000 mètres et 5000 mètres.Les montages sont de grosses masses arrondies,d'énormes volumes sur la terre.La route en piteux état est à flancs de montagnes et fait de longs détours pour éviter les précipices.Quasiment tout les véhicules klaxonnent à ma vue,ça m'agace leurs bruits stridents qui s'ajoutent aux fracas des moteurs.Des tibétains pure souche à l'existence traditionnelle vivent éloignés dans les montagnes,certains sont installés dans des barraques en bois ou sous de lourdes toiles et s'en iront l'hiver approchant.Leurs apparences suggèrent à la fois celles des cow-boys et des indiens d'Amérique-du-Nord des temps reculés.Des hommes ont les cheveux très longs,raides et noirs charbon.Leur peau est couleur cuivre,leurs bouches sont larges,leurs yeux sont petits.Ils interpellent les touristes avec quelques mots d'anglais très hésitants.Je ne réponds pas et ils n'insistent pas,poursuivent leurs chemins et leurs affaires.Les femmes sont élégantes avec le peu qu'elles possèdent,elles se couvrent jusqu'aux chevilles de longues robes en laine,de chemisiers hauts sur le cou,elles arborent des colliers de perles autour du cou,sur les bras et dans les cheveux.Hommes et femmes se coiffent d'un large chapeau rond aux bords plats.Nous sommes dans un far-west hymalayen.Des dames coquettes portent des petits bijoux,des lourds pendentifs en argent façonnés avec grand art,des colliers de perles multicouleurs,des bracelets très imaginaires,des serres-têtes,des épingles à cheveux colorées et brillantes.Certains font tourner des moulins à prières de poche dans leurs mains droites tout en continuant leurs occupations.De belles femmes ont en guise de coiffes des étoffes dorées savamment pliées.Des moines de tout âges se promènent dans les rues,vifs et joyeux.
La route est belle mais le ciel sombre menace.Didier croise des vélovoyageurs chinois qui roulent de Chengdu à Lhassa.Ils se photographient enthousiastes.Moi avec toi,toi avec lui,tous ensemble.Le globe-trotter enfile son poncho car une averse violente lui tombe dessus.Ses freins sur les jantes céramiques mouillées pinçent insuffisemment.Le freinage est éfficace à cinquante pour cent.Il n'a pas pris le temps d'enfiler ses pieds chaussés dans les sacs poubelles qu'ils utilisent comme protection quand une pluie s'abat.Ils sont trempés.Dans une maison tibétaine quelque part dans l'immensité de la plus haute chaîne montagneuse de la terre,un petit groupe doux curieux sont rassemblés à ses côtés.Il fait sécher ses chaussettes en les retournant sur la plaque du fourneau en acier.Cela les amuse d'assister à ses stratégies d'aventurier.La pièce est décorée par des portraits photographiques de plusieurs dalai-lamas,par des affaires que je trouve étranges propre aux rites bouddhiques.De la spiritualité du toit du monde entre ces murs de pierres.Il pourrait rapidement devenir comme eux,naïf et sincère,en proie à certaines adorations.Il garde les pieds réchauffés peu de temps,à peine dix minutes après le redépart il grêle cette fois-ci.A 4500 mètres d'altitude il est inquiet de ne pas trouver d'abri pour la nuit qui arrive bientôt.Dans la purée de pois,sur une route pleine de nids-de-poule avec des freins qui repondent mal,c'est pas la joie.Vingt kilomètres plus loin il parvient à un hameau éloigné,des yaks noirs sont aux alentours.Il demande asile.Le vélonomade dormira sur un plancher dans une pièce à l'odeur de bousse et de fumée.Ni eau courante ni électricité dans les maisons de pierres,de bois et de tôles ici.Une radio et une ampoule alimentées par une batterie sont les seuls objets plus modernes.Un couple aux âges difficiles à deviner avec des visages burinés et des corps voûtés par une vie rude dans les hautes montagnes et un gamin d'une dizaine d'années le font entrer chez eux.Il veulent avant toute chose cent yuans,il est la poule aux oeufs d'or qu'il espère parfois.Chaque jour des véhicules d'aspects riches passent devant leur minuscule village,des cyclistes bien équipés aussi,et cela leur donne des idées confuses et mauvaises.Il feint de repartir.On le retient car alors trente yuans c'est beaucoup mieux que rien.Didier restera et heureusement car où pourrait-t'il aller à cette heure tardive,éreinté,mouillé et sans provision?.Ses hôtes lui offrent du pain plat sans sel fait maison.C'est nourissant ce qui est l'essentiel.Il échappe au pire non sans mal,il doit compter parfois sur des hasard heureux et de la chance.Communiquer oralement avec ses hôtes est une gageure.Le lendemain matin il attend impatient qu'on lui donne enfin une tasse d'eau chaude pour son café soluble.Ils se rappelera de ces paysans dans le hameau avec les yaks noirs non comme un beau souvenir mais comme un épisode épique.
Une météo plus agréable est de retour,les nuages se dissipent et le soleil apparaît.Une crevaison à l'arriere,c'est la première depuis 2800 kilomètres,je ne pensais plus à cet incident possible.Mes quatre chambres à air ont des trous non réparés,il me faut coller une rustine.La petite fuite est introuvable sans un récipient d'eau.Quatre hommes chinois dans un 4x4 stoppent pour me secourir.Ma chance,la bonne étoile du globe-trotter.Ils découpent une bouteille plastique en longeur,voici le contenant qu'il faut pour repérer la fuite aux bulles d'air dans l'eau.Trois quart d'heure plus tard,je repars en toute quiétude.Dans le monde entier,un voyageur,un nomade à vélo,peut espérer en des amis de passage alors qu'un abandon menace.Le cable du frein avant casse,celui de rechange à deux embouts,sans pince coupante la réparation est impossible.C'est le jour des ennuis mécanique.Pendant la descente de dix-huit kilomètres avec le seul frein arrière,je serre fort la poignée sinon je m'enballe et la chute est au bout.
Au col à 4470 mètres dans le vent,la grêle et la neige,ses sacs poubelles aux pieds le préservent de ce qu'il n'a pas la force d'imaginer.Il neige de trop,Didier grelotte,il est trop dangereux de partir dans la longue descente glissante perdue dans la brume sans frein avant.Des habitants tiennent un petit commerce en bord de route sous une tente de leur construction.C'est sa chance,son unique solution raisonnable,il va installer sa toile à coté d'eux.Ils acceptent son intrusion sans mauvaise humeur,souriants.Leur habitant et échoppe est fait d'un mur de fond en pierres d'un mètre à peu près,de fortes branches pour la charpente et d'une grande bache militaire très étanche et isolante pour tout recouvrir,avec la face de devant amovible pour entrer et ouvrir.Une caisse en planches avec une litière chaude et confortable à l'intérieur est le lit du couple.Ils se chauffent et cuisinent avec le traditionnel fourneau à bois en acier et son tuyau évacuant dehors la fumée et lui se réchauffe tandis que les flocons redoublent.Il neige jusqu'à trois heure de la nuit.De l'interieur il tape du poing sur la toile pour éjecter la couche de neige s'épaississant vite sous laquelle la tente finira par céder.Avec le couvercle de sa gamelle il dégage le manteau tout autour de la guitoune par une splendide nuit etoilée et glaciale.Sept heures il ouvre les yeux sans deviner comment est le paysage alentour.La précipation a cessé,son bon moral est de retour avec le beau temps.Les camions roulant cette nuit ont fait office de chasse-neige,il peut repartir.Après avoir bu du thé,s'être réconforté à la chaleur du fourneau,avoir replier sa tente détrempée,partagé des adieux chaleureux avec ses hôtes sauveurs d'hier soir qui vivent là six mois par an dans leur bicoque grapillant un peu d'argent avec leur chiche commerce,il s'en va dans la descente périlleuse.Le vélo baroudeur utilise ses semelles de sandales pour améliorer le freinage.Dans un bourg bordélique il fait ses provisions alimentaires bien et vite:Bananes,viande sèchée,brioche,lait parfumé,chocolat,que des bonnes choses. Les vingt kilomètres suivant dans une large vallée plate il progresse avec opiniâtreté sur la pire des mauvaises pistes de ses parcours vélocipèdes.Le sol est dur comme du béton,est constellé de cailloux anguleux et bosselé par de la rocaille,s'y ajoutent sans arrêt des flaques d'eau et des nappes de boue avec des flopées de trous de multiple dimensions parfois profonds,lui obligeant de mettre pied à terre à de nombreuses reprises.Le traffic est important,démentiel vu l'état de la voie,et il pleut abondamment.Le cauchemar que mérite tout véritable voyageur en vélo.Il abrège ce parcours de forçat au quarante cinquième kilomètre.Dans un hameau,il se réfugie dans une étable,à moitié déboussolé.En face de lui un large escalier en bois conduit à un étage habité.Toute la famille de tibétain accepte de l'héberger avec une certaine joie.Ils aperçoivent certains jours des cyclistes bataillant sur la difficile route,ainsi en acceuillir un aujourd'hui va de soi.Une vieille femme se mouche dans sa robe,un gars crache contre un mur,tous sont dépeignés,leurs peaux sont crasseuses,il est chez les personnes les moins propres qu'il n'est jamais rencontrés.Le chat étique miaule affamé,aucun ne veut lui donné à manger;Ces gens sont très rustiques et farfelus mais il les devine sans méchanceté et n'a pas peur de devoir rester dans la maison cette nuit.Didier partage une soirée étrange,drôle et sans pareille avec ces paysans des montagnes du Sichuan en Chine.La vallée est magnifique,des yaks broutent sur les pentes abruptes,les cimes pointues sont recouvertes de neige fraiche,la rivière en crue s'écoule impétueuse et rageuse.Devant la grande bâtisse où le voyageur a installé sa petite tente sur la terrasse abritée,les véhicules du traffic incessant sur la piste épouvantable zigzaguent en tout sens,c'est l'anarchie routière à la recherche du meilleur passage. Ses hôtes préparent un plat de pâtes:Le lard est fondu dans le creux d'une grande poêle,plusieurs litres d'eau sont versés dessus,de l'ail hachée est ajoutée,quinze minutes plus tard ils déposent dedans deux paquets de spaghettis blancs et plats.Une platée copieuse est en train de cuire.Il sait qu'il mangera avec les autres sans avoir à allumer son réchaud,néanmoins il surveille du coin de l'oeil la propreté de la manoeuvre,ces gens sont si peu délicats.Il jette en cachette par pitié des bouts de lard et un morceau de beurre au minou squelettique que tous ignorent.Un meuble bancal et usé sert de garde-manger,il n'y a pas de frigidaire dans cette région de très hautes altitudes.Des épais bouts de lards,une grosse motte de beurre,du fromage de yak cuit découpé en lamelles,cette nourriture est celle d'authentiques montagnards tibétains.
Je repars pour vingt kilomètres sur la voie défoncée,j'ai compris qu'il fallait que j'avance calmement,que c'était la seule façon de ne pas gaspiller mon énergie et de ne pas souffrir encore plus.Le vélonomade doit être sage et fort.Ce voyage est aussi une lutte avec moi-meme,je dois m'adapter à de nouvelles situations fréquemment,changer de peau,perdre un esprit pour un trouver un autre.Mon parcours est une leçon de vie,sans fin,sans but,sans objet vraiment défini.Il me faut accepter des condradictions de pensées et d'actions,de me métamorphoser par nécessité de passage.C'est le voyage et le jeu allant avec. Je suis sans peur,souple,fort,éfficace,je pédale avec triomphe jusqu'à Kangding,la petite ville de cent mille habitants d'où je vais quitter les montagnes pour l'immense territoire de basse altitude qui me conduira vers Beijing.Les fatigues et une mauvaise humeur de cycliste causé par le parcours éreintant s'évanouissent lorsque je parviens dans les belles rues commerçantes du centre-ville.La rencontre intermittente du monde des hommes après des jours seul sur des routes éloignée,l'alternance du plus rude et du plus doux,c'est l'aventure jamais monotone qui se poursuit réglée par la vitesse du déplacement à vélo.Dans la ville à 1900 mètres d'altitude,je m'offre une journée de voyageur privilegié.Le contraste est total avec les cinq rudes jours précédents sur la route des hauteurs.J'observe les passants aux caractérisques physiques et aux vies très différentes de celles de mes origines.Je suis un îlot dans la marée de la foule.Le bonheur contagieux des autochtones me fait du bien,me dynamise.Aux petits restaurants avec une juste gourmandise,je mange du plaisir autant que des mets:Brochettes de viande,de poissons,de légumes,d'oeufs,de tofu,bien préparées.Des pâtisseries et d'autres choses exquises remplissent mes yeux avides.Je choisi au hasard,j'empiffre des surprises raffinées.Dans les rues animées,l'agitation est sereine,il règne un ordre de vie qui échappe à ma compréhension.Cela m'amuse de comparer les autochtones avec le français tel que je le vois et je m'en souviens après neuf mois de vie nomade sur les routes de sept pays.C'est drôle de se dire que le chinois classique est finalement pas si différent du petit français ordinaire,c'est assez faux aussi.Les cireuses de chaussures tricotent sur le trottoir,patientent jusqu'au prochain client.Un réparateur de bicyclette s'est aménagé un bout de trottoir.Les citadins ont des visages radieux à cette frontière entre le Tibet chinois et la Chine.Ici les deux populations ont su faire bonne alliance.Une certaine douceur me saisit,avec des sensations de lévitation je suis quelque part en Chine.
Kangding-Chengdu,101/104/114/27 kilomètres ou vingt heures et douze minutes sur la selle à une moyenne horaire de 17,3: Il renoue avec du cyclotourisme agréable,après le parcours haut-montagnard entre Dali et Kangding,dix-huit jours au dessus de 3500 mètres dont douze furent compliqués et éprouvants.Les pistes cahoteuses ont fait place à des bonnes routes larges asphaltées,il est en descente souvent et perd de l'altitude en quittant les derniers reliefs à l'est de l'Himalaya.Des gorges fendent les massifs,l'horizon porte loin entre les pentes et les sommets.Des villages de petites maisons aux toits de tuiles moussues.Le bric à brac chinois,le désordre organisé.Des gargotes avec des peintures de gros poissons sur leurs vitrines font face à une rivière impétueuse.Les retraités arborent des casquette Mao,d'amples pantalons velours,sont d'allures simples et réfléchis.Le charme et l'éxotisme chinois le saisit à la façon d'un étau sur quelque chose.Il bénéficit d'un musée à ciel ouvert,autour de lui des tableaux de maîtres naturalistes,dans son champ de vue un vieux film coloré.Dans cet immense pays,il a des sensations métaphysiques et astronomiques.Il est une minuscule créature sur une terre infinie,un vivant indéterminé,marionnette animée par des forces cosmiques. Ce soir le globe-trotter fait halte dans un petit bourg à 130 kilomètres au sud-ouest de Chengdu,très rarement des étrangers s'arrêtent là,les villageois font comme s'ils n'étaient pas étonnés.La surprise est contraire à leur orgueil.Didier aimerait un bol de nouilles,mais à plusieurs gargotes ils n'ont que du riz dans des baquets ronds en bois.Il est parfait,ni trop collant ni trop sec.
Les chinois accordent grande confiance à tout ce qu'ils font.Infatiguables ils ne doutent pas de leurs bonnes façons d'agir.Ils sont disciplinés et ne se sentent pas d'humeur à la critique.La societé géante gére et digère tout.La question écologique est considérable:Surconsommation,surpopulation,industries gigantesques,véhicules motorisés en augmentation,et cetera.Si les chefs politiques se décident pour une société davantage respectueuse de l'environnement,il est possible que l'entière population dans un même élan se lance dans un mouvement positif.Les derniers kilomètres avant Chengdu centre est une très vaste zone en partie habitée,en partie en construction,un ensemble impréssionnant de contructions et de grattes-ciel où la force de bâtir des humains étonne ou fascine.De l'urbanisme sans concession où la planète nature est oubliée.L'homme se veut maître de tout,il aimerait être celui de l'univers. Les habitants de Chengdu ont l'art d'insuffler une atmosphère d'harmonie à leur cité.Ils ont le don du rythme doux,ils prennent garde de ne rien bousculer,ni le temps ni les choses.A 22 heures,il entame une promenade de nuit,c'est à ce moment que le plus d'habitants flânent dans les rues en profitant de la douceur de la nuit,de l'empressement ralenti,des restaurants,des échoppes et des gargotes en plein travail.Le chinois est un adoratif de la nourriture,dans son pays on mange les mets les plus diversifiés et incroyables.En groupe assis ils partagent des petits plats posés sur une table basse,chacun pioche ardemment avec les deux baguettes dans les préparations.L'animation des rues la première partie de la nuit doit beaucoup à la légion de repas partagés.Les commerces sont ouverts jusqu'à tard et le citadin s'occupent encore de ses préocupations domestiques et quotidiennes.Je suis dans la planète Chine très dépaysé et heureux ainsi.
Chengdu-Xi'an,940 kilomètres en 11 jours.Chengdu-Loping,134/83/70/73/106/118/32 kilomètres et arrêt pour cause de forte pluie. Son parcours chinois est monotone sans l'être.Il l'est par la solitude d'un cycliste qui ne parle à personne hormis les aimaux certaines fois,il ne l'est pas en raison des routes et des paysages contrastés,de l'alternance des villes et des campagnes qui le bascule d'un univers à l'autre opposés.Jamais dans sa vie il ne fut en pareille difficulté à accepter la difference des autres hommes avec lui-même.Il l'explique par le fait de son impossibilité à communiquer oralement.Les premières leçons pour apprendre le chinois sont beaucoup de travail et lui n'en a pas pris.Il ne reçoit pas d'autrui sa dose habituelle de satisfaction alors il devient rebelle et mal luné,mais il conserve le sens de la dérision qui sauve. Les Chinois ont l'existence à la baguette.Héritiers du Taoïsme et du confucianisme,le peuple est un régiment,tout est calibré,mesuré,vérifié,le chinois sinon perd la tête et l'esprit.Les plus érudits ont mémorisés tant d'idéogrammes différents,qu'ils éblouissent avec leurs regards.Une mémoire prodigieuse est necessaire. Les routes sont une succession imprévisible de voies des meilleures aux pires.Il suit la même direction principale tracée sur sa carte.En l'espace de cent kilomètres,il pédale sur une autoroute parfaite,puis sur une route médiocre,après sur un chemin,et enfin sur une piste à peine praticable.Le globe-trotter a progressé opiniâtre quarante-cinq bornes sur une voie en reconstruction au bitume arraché,c'est une catastrophe de cycliste.Des groupes d'ouvriers,des corvéables,des braves s'activent.Ils transportent des pierres dans des chariots à grandes roues et à brancards.Les métiers sont mixtes,la femme est l'égale de l'homme,ils peuvent et doivent être aussi fort l'un que l'autre.Le pays un peu partout est en chantier,on remue la terre encore et encore,on élève des masses toujours et toujours,on invente,on repense,on refait.Camions,bulldozers,bétonnières,grues,pelles,engins dans le concert des travaux.Les grandes villes sont des monstres de béton,des pelotons de tours de plus de quarante étages.Davantage d'harmonie avec l'environnement naturel ils ont ignoré.Les espaces verts peu nombreux et trop petits sont ridicules.Depuis les fenêtres des logements aux étages,la vue butte ou coince sur les immeubles proches aux facades mornes.Le vacarme de la cité rythme leur quotidien.La ville est le royaume des commerces,une sphère de ventes et d'achats.Des vitrines brillantes et reluisantes sans discontinuer bordent les rues,les marchandises souvent de qualités quelconques sont empilées,entassées consciensieusement.Matérialisme éffréné,matérialité totale.
Depuis Chengdu ou 740 kilomètres,j'ai croisé un seul cyclovoyageur.Un bejinois costaud dans la force de l'âge en route pour Lhassa.En revanche avant la grande ville,en l'espace cinq jours,plus de cinquante vélonomades tous équipés de vélos tout terrain avec deux sacoches arrières arrivaient en sens inverse de mon itinéraire,tous en route vers la grande ville du Tibet.Aller à bicyclette jusqu'à la capitale tibétaine est devenu une coutume pour certains chinois.Ils me font penser aux pélerins de Saint-Jacques de Compostelle,l'esprit du pélerinage est universel.La Chine est le quarante-sixième pays où je roule,le premier où les enfants et les écoliers demeurent sans réaction lorsque je passe.Ils ont des airs méfiants et peureux.A quoi leur fais-je penser pour ne soulever aucune excitation chez eux?. Le ciel est chargé d'un épais manteau de nuages gris et sombres depuis quatre jours,le paysage est estompé,je le devine à peine.Les montagnes sont des découpages dans le ciel,sombre et sans nuances,un décor d'ombres chinoises.L'origine de l'expression est peut-être là.A l'extrême nord de la province du Sichuan je traverse des villages dévastés il y a un an par un puissant temblement de terre.Ils reconstruisent.Des deux côtés de la route il y a des tas de pierres,de briques,de sables,de gravats,des bétonnières tournent,des camions encombrent la chaussée.Des ouvriers et des ouvrières se démènent. Les paysages montagneux sont à couper le souffle.Des parcelles de cultures en terrasses aux nombreux niveaux bien délimitées,tres peu de bétail,pas de tracteur.L'agriculture est très différente de celle que je connaîs.A un hameau où je fais halte pour reposer mes jambes et remplir la musette,une femme autochtone me dit que les occidentaux nous sentons le lait.Je pense que les chinois dégagent une odeur principale et commune dont je ne sais pas mettre un nom dessus.Un paysan promène une vache muselée au bout d'une corde.La paysannerie est moyenâgeuse.Des petits arbres et des plantes recouvrent les collines de cent teintes vertes.Les montagnes déssinent des contours tourmentés propres à stimuler l'imagination.J'y vois des dinausores.Les chants d'oiseaux sont tous azimuts,des symphonies.Des odeurs de nature et d'activités humaines resurgissent du fond de ma mémoire,de mon enfance.Des effluves ont franchi le temps pour me retrouver.
A un village éloigné et bordélique,dans une gargote cinq adolescentes s'assoient à ma table.Elles sont jolies et drôles,leur compagnie surprise est agréable.Elles m'ouvrent leurs cahiers d'anglais.Je suis professeur de passage,une parenthèse charmante à ma route à vélo.Elles me voient manger maladroitement avec une cuillère mon bol de nouilles.J'ai renoncé aux baguettes.La plus charmante est celle qui a des taches de rousseur sur ses pommettes rebondies. Les campagnards sont humbles et honnêtes.La première qualité d'un chinois est l'honêteté.Presque tous ont des tenues et des façons,des airs et des styles follement pittoresques.Je revois en esprit les images de livres de mon enfance,à cette tendre époque je me projetais dans des rêveries que je voulais rejoindre.Trente-sept ans plus tard,j'ai fait le trajet. Les paysans étalent de la paille sur la route,les véhicules font moissoneuses-batteuses. Le sens de la communauté est développé.Personne ne s'ignore,tout le monde est sur le même plancher de vie. Les idéogrammes ne sont pas un alphabet,des lettres produisant des sons.Tous ils transcrivent une affaire différente.La psychologie chinoise déroute bien des novices au pays qui cherchent sans la trouver une voie pour communiquer intelligemment avec les indigènes.Il y a 56 milles idéogrammes,une grande partie n'est pas utilisées,provient d'une culture devenue archaïque.Six mille suffisent à un bon niveau d'instruction. Extrait du livre,"Le dit de Tianyi"(prix Fémina 1998) de Francois Cheng:"Chinois être à l'esprit planant,vierge de tourments et dénué d'intérrogations,au visage lisse et plat,béatement souriant.Fait d'une autre substance que la chair et le sang.Son language doit être delié,naturel,sans efforts accumulés,sans formes construites,d'une simplicité un peu naïve et son propos doit se ramener a quelques aimables sagesses.Un être primaire en somme,destiné à être maintenu dans sa rusticité native,condamné à etre dépourvu de passions et de quêtes plus aventureuses qui le mèneraient vers d'autres métamorphoses".
Loping-Xi'an,125/79 kilomètres. Il a suivi des gorges belles et sauvages,pas une seule maison,pas un poteau électrique.La rivière et la route étroite qui la surplombe,les dégradés verts des versants abrupts envahis par la végétation,le grondement du cours d'eau,tout se conjugue pour lui apporter un bain de fraîcheur et de beauté peu perturbé par quelques rares véhicules.Au milieu de cet espace sans civilisation soudainement des toits et un bon restaurant.Des jeunes serveuses en tailleurs bleus,en bas et escarpins,maquillées joliment lui servent son meilleur bol de nouilles du parcours chinois.Il en a ingurgité plusieurs dizaines depuis son arrivée à la frontière avec le Laos. Il parvient à la plus grande auberge de jeunesse de Xi'an indiquée sur son indispensable guide,sans erreur de parcours.Il n'est pourtant pas plus qu'un fétu de paille dans un hangar rempli de bottes,sa boussole est un objet inestimable.Sans elle sur l'immense territoire,il irait souvent à la dérive.Six millions d'habitants à la cité qui est l'arrivée finale de l'historique route caravanière de la Soie.Des vestiges historiques sont à visiter:Les remparts de quatorze kilomètres de périmètre,la grande mosquée,des tours,des temples,des pagodes,des musées.Le centre très étendu et hyper-commercial avec ses hautes constructions modernes peut dérouter.Egaré dans la ville tentaculaire les quartiers historiques pittoresques semblent menacés. Lorsqu'il quitte l'auberge il est certain du bain de foule qui l'attend.Il est éreinté par une longue marche dans les rues à la foule démesurée qui lui apporte des impressions incroyables de jamais vu,de première fois.Autant de téléphones mobiles derrière autant de vitrines,il n'a jamais imaginé une telle concentration.Des fast-foods à tout les coins de rues.Les chinois ont recopié avec excès le modèle américain de société moderne avec l'appauvrissement culturel qu'il engendre.Des magasins de vêtements de qualités industrielles pris d'assaut,des boutiques de maroqinerie ou de chaussures aux étagères surchargées,des échoppes de souvenirs,de bizareries et de pacotilles,le commerce de tout pour tous en grande masse.Les piétons,les citadins portent des tenues soignées et propres,ils forment un grand troupeau discipliné à l'éxcitation visible mais contenue,un monde à l'heureux petit conditionnement.Un vendeur de chiots conservant la tête penché à l'avant et le regard bas,un chanteur guitariste qui rassemble un public en cercle sont des exceptions dans la marée humaine.La Chine et son commerce extravagant oublie les anciens temps et ses traditions.Un vide béant de reflexion fait place à un plein envahissant de marchandises commerciales. Il dégotte au grand supermarché alimentaire une copie de "La vache qui rit" au prix de 15,80 Yuans soit plus ou moins un euro et quatre-vingt centimes.Sur un petit nuage,il regagne son dortoir avec la boîte prudemment mise au fond de sa plus grande poche.Il y a plus de quarante jours qu'il éxiste sans manger de fromage.Cet achat inespéré réveille en lui un état de manque incontrôlable.Dans sa chambre il tartine à vitesse grand v le fromage sur du pain de mie et mord dedans immédiatement.
Xi'an-Pingyao,environ 450 kilomètres dans un train de nuit,trajet de 9 heures et quinze minutes: Un épisode aventureux et compliqué dans les méandres de la société ferrovière chinoise.Pour l'achat du ticket,je brandi quelques idéogrammes inscrits sur un bout papier par un employé à l'hôtel expliquant mon souhait.Noyé dans la foule,j'arrive à mes fins à force de perséverance après les passages à quatre guichets avant de faire la queue au convenu.Au service des bagages,le vélo,les quatre sacoches et la tente sont pesés,emballés,étiquetés.Je suis déconnecté,perdu avec les démarches à suivre.Le personnel ne parle que le chinois,les formulaires sont en caractères mandarins,les procédés me sont obscures.C'est la planante omnidirectionnelle.La chance me sourit mais j'en ai tellement besoin que je finis par la favoriser.Dans ma volonté presque farouche de poursuivre le voyage je retrouve toujours la liberté à la suite d'un problème qui paraîssait insurmontable.Une employée me consacre une heure de dévouement plein de douceur et de grâce.Ecriture des formulaires,emballage des bagages dans un sac de jute cousu à l'aiguille,paiement aux guichets,elle fait tout ça pour moi.Je n'ai pas deviné pour quelle raison elle m'a offert cet inestimable service.Soit c'est une employée à l'immense gare de Xi'an,soit c'est une femme exceptionnelle qui donne de son temps.Elle a un regard aimable et ses façons sont belles.Les femmes le long de mes parcours parfois périlleux ou incertains m'ont été plusieurs fois d'un secours formidable,d'une aide en or.Elles sont des lumières dans une vie d'homme.Je pense qu'un voyageur tel que moi leur inspire confiance et une envie de rêver. Dans le wagon-aquarium,je suis l'unique étranger à la peau laiteuse,tout les autres sont des indigènes.La promiscuité me gêne un peu en dépit de la griserie du dépaysement,de l'excitation folle que provoque les impensables nouveautés de mon trajet.A ma double banquette se trouvent des hommes à ce point rustres et grossiers que leurs manières sont réellement comiques.Deux types en face de moi s'échangent et boivent au goulot une bouteille d'alcool de sorgho et engloutissent des saucisses.Maintenant ces deux-là s'allongent et s'étirent impudiquement sur la banquette,je renifle leurs chausettes puantes.Je me sacrifie en me faisant petit,recroquevillé pour qu'il reste assez d'espace pour les trois autres dans le compartiment.Des vendeurs ambulants profitent du rassemblement des passagers pour écouler des posters,des torches,des casse-têtes,des brosses à dents,faire les démonstrations de nouveaux gadgets.Le petit commerce est propagé en tout lieux. A la gare de Pingyao je quitte le wagon avec la sensation d'en finir avec une détention provisoire,je mesure ma chance de vivre libre et nomade.Le vélo et les sacoches arrivent une demi-heure plus tard par le train suivant.Tout est là impeccable. Je franchis la porte des remparts de la vieille cité inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco avec allégresse et la certitude que cette vie de vélovoyageur va durer longtemps encore.Pingyao est une Carcassonne chinoise.Le plus beau de la Chine des anciens siècles s'est bonifié dans la cité.J'ai loué une jolie chambre et arrive à mes oreilles de la musique traditionnelle depuis le hall de l'auberge.Que ce nectar sonore est bon pour mon coeur sensible et las des tapages imbéciles et ignorants.J'écoute des cordes liquides,des doigts araignées,des ondes lumiere.
Pingyao-Beijing:136/91/113/109/107/105/113/74 soit 846 kilomètres en huit jours: L'intérêt principal de ce long trajet et d'être seul immergé au coeur de l'immensité du pays.La route en alternance est en état parfait ou en reconstruction.Lorsqu'il franchit des travaux cela devient une rude croisière.L'empire du Milieu est constellé de chantiers.Les travaux publics se font avec une logique qu'il entend mal.On casse tout sans discernement et on refait de zéro.Il fait des comparaisons avec son pays,pour s'apporter des repaires,pour soulager son esprit lorsqu'il chavire.Didier pense alors:"Aucun doute nous sommes plus performant qu'eux,ce que nous réalisons est meilleur.Si la Chine construit correctement,nous construisons parfaitement". Des poids-lourd à vingt-deux roues,aux bennes en fer lourdes recouvertes de bâches,crachent des fumées noires,dégradent les routes,abrutissent tout le monde,klaxonnent à longueur de temps.Le vélovoyageur les déteste,ils lui retirent une part du plaisir du même itinéraire dans le calme.Dans les grandes villes des affiches publicitaires recouvrent des façades:Des mannequins mièvres,des robots,du rouge à lèvres,tout ce qu'on veut.Des écrans géants diffusent des spots publicitaires aux seuls buts commerciaux.Le pouvoir commercial puissant est aussi un anti-pouvoir culturel,plus de certitudes,du nouveau et des découvertes mais aussi plus d'étroitesse d'esprit.A des jardins publiques c'est davantage les dalles en béton et les fantaisies en dur qui décorent le peu de verdure et de fleurs. Une nuit dans un hôtel miteux:Il se lave au robinet qui crache une eau douteuse,les odeurs nauséabondes lui donne le vertige.Le nomade a mangé du choux avec du soja,un bol de nouilles au jus de viande,des crèpes salées à la ciboulette,des brochettes de foie,un petit poisson d'argent embroché,un dessert très chimique mais bon qui consiste en des grains gélatineux rouges,verts et bleus sur de la glace pilée.La Chine l'interpelle,des intérrogations lui viennent à l'esprit.Qu'ont-t'ils fait de la spiritualité,de la quête de sens,de l'absolu de la beauté des choses?.Pourquoi ne pas plus substituer le pinyin,la transcription de la langue chinoise en lettres latines,aux ancestraux idéogrammes?.Pourquoi tant de consommation,ne savent-ils pas occuper le temps autrement?.Que signifie ce goût du gadget que l'on voit chez beaucoup?. Les femmes chinoises portent des chaussures très fantaisistes,d'une infinité de formes et de couleurs,fabriquées de multiple façons.Elle voue un culte à ses chaussures. Le globe-trotter pendant presque son entière étape dépasse une impressionnante file de poids-lourds à l'arrêt.Un bouchon de soixante-dix kilomètres.Les routiers demeurent sereins malgré tout,papotent entre eux,usent de leurs téléphones mobiles,achètent des bols de soupes et des fruits aux triporteurs.Il ne devine pas la raison de cet embouteillage.S'agit t-il d'une protestation,d'une manifestation? Y a-t'il un problème de circulation sur la voie?.Les camions l'ont protègé du vent,il s'est faufilé.Didier n'a pas perdu de temps finalement,mais ce bouchon routier spécial est la cause de sa seule erreur importante d'itinéraire dans le pays.Il n'arrive pas dans la ville de son étape programmée.Le vélovoyageur s'est dirigé trop au sud,son trajet s'allonge de soixante kilomètres.
Une semaine à Beijing: Je circule à vélo au coeur de la mégalopole en suivant l'itinéraire tracé sur le guide,dans les vieux quartiers,Haolong,près du lac Shichahai avec ses nombreux pédalos,ses embarcations ressemblant vaguement à des gondoles.Les pousse-pousse et les triporteurs sans moteur circulent dans les allées près des rives,la population mélangée est en ballade.Sur la place Tian'anmen,je demande à être pris en photo avec le grand portrait photographique de Mao Tsé-toung en arrière-plan.Qui parcourt le monde vit des sensations inoubliables en des endroits aux forts symbolismes.Près de la Cité Interdite la foule est à marée haute,je suis un petit pois dans une grande conserve pour collectivité.Je visite le parc du palais d'été,le plus ancien de la capitale,une poche dans l'immensité urbaine.C'est le pittoresque vertigineux,tout le plus beau du passé conservé,entretenu et mis en scène:Des temples,des canaux,des allées et des petits ponts,des arbres et des fleurs,des échoppes d'objets réputés,des larges escaliers en pierres taillées parfaitement droits,des embarcations sur l'eau,des calligraphes,des éventails,des chinois en costumes de soie,des fillettes aux jolies nattes,et cetera.On oublie le temps qui passe dans ce parc merveilleux.A Pékin qui se construit en longueur et en hauteur de façon exponentielle l'homme ne pense plus qu'à lui-même,oublie son appartenance à la nature et au cosmos.Les humains détruisent,polluent,effraient. Faire du vélo est un raid hasardeux dans la cacophonie des rues.J'avale des gaz sous un ciel gris surchargé,les horizons sont entièrement bétonnés.Pour un cycliste amoureux de la douceur des beaux paysages c'est la prison.A l'auberge de jeunesse nous sommes six dans un minuscule dortoir encerclés par de hauts buildings.Serge le camerounais de trente trois ans sera un ami à Beijing.Il vivote en Chine depuis trois ans sans vraiment aimer le pays mais il y trouve un échange favorable avec sa vie pauvre en Afrique. Pour rejoindre l'aéroport je dois suivre la voie d'urgence d'une autoroute sur vingt-cinq kilomètres.Je suis un habitué de ces parcours savoureux de baroudeur.Le huitième plus grand aéroport du monde est une immense contruction moderne dans laquelle on est tout petit,il paraît interminable dans son étendue.Une architecture sans fantaisie,des comptoirs par dizaines,des échangeurs,des panneaux informateurs,des distributeurs,des escalators,des tapis roulants,des toilettes automatiques,des employés en costumes au carré,un métro pour rejoindre les portes d'embarquements.Je réduit le volume du vélo un maximum,les pédales,le rétroviseur,les cornes de guidon sont retirés,la selle est abaissée,le guidon tourné dans le sens du cadre.Au sevice emballage,deux jeunes employés se démènent un long moment à envelopper ma reine avec quatre kilogrammes de carton.Coût de l'opération:200 yuans soit plus ou moins 22 euros.J'échange le reste de mon argent contre des dollars singapouriens.Onze heures d'attente dans cette enceinte géante,la circulation incessante de foules de passagers m'a tenu l'esprit en alerte.Air China me taxe le surpoids de mes bagages fortement,onze kilos en excès 140 euros. Je quitte la grande Chine en emportant des souvenirs de vaillant cycliste,de baroudeur opinîatre.Couloir d'embarquement,derniers pas sur le sol chinois.L'avion à un air de vieux de la famille,un ancien modèle qui a déjà un lourd passé de pollueur au kérosène.Six heures de vol,les dernières avec des chinois à côté de moi,je ne sais plus trop où je vais et ce que je fais,ma seule certitude est un au revoir à la Chine.La fatigue d'une vie de nomade sans répit et des doutes de passage intensifient les minutes de peur que j'ai dans l'avion volant vers Singapour.Le plateau repas arrive pour me soulager d'instants de panique absurde.Quelle drôlerie de voir les passagers chinois incapables de remplir leurs formulaires de contrôle sanitaire distribués par les hôtesses.J'ai passé soixante jours perdu et décontenancé avec les idéogrammes,a leur tour d'être paumés.
Singapour est très proche de l'équateur du côté de l'hémisphère nord.A six heures trente minutes je quitte l'avion,le jour se lève,l'air est bien plus chaud qu'à Beijing.Un officier tamponne mon passeport en quelques secondes avec un agréable sourire de bienvenue.Finis les contrôles chinois pointilleux,soupçonneux,indigestes.J'ai atterri sur le pays du monde à la deuxième plus forte densité de population derrière la principauté de Monaco.Le régime est parlementaire et le pouvoir autoritaire.Les singapouriens s'interressent peu à la chose politique. Pas de hâte pour me rendre chez Marc Piton de l'ambassade de France dont j'ai croisé l'épouse Claire au Sichuan en Chine,c'est agréable de savoir que quelqu'un va m'offrir l'hospitalité.J'ai annoncé mon passage par email,me voilà invité chez des français à Singapour.Le voyage nomade et sa grande part d'improvisations avec les bonnes surprises qui augmentent la motivation de poursuivre l'aventure.A vélo sur les routes du petit état ce n'est pas une sinécure.Les véhicules trop nombreux distinguent à peine ma silouhette qui pédale,les chauffeurs ont les regards surhabitués à leurs courts trajets.Les bus me frôlent,le autres véhicules aussi,au moindre écart sur ma droite je risque de me faire tamponner.Une voiture touche une sacoche,j'ai failli m'étaler sur la voie.Je stoppe toutes les moins de cinq minutes pour me situer sur la carte de la ville.Il y a tellement de rues,de noms,de numérotations que je me mélange et me perds. Au plus grand centre commercial de l'île se trouve un supermarché "Carrefour",je suis de retour dans l'Hexagone.Aux rayons des fromages c'est dans différentes régions de mon pays que je repasse.Chez Marc,je mange les premiers morceaux d'appelation contrôlée après dix mois de privation. Marc et Claire habitent avec leurs deux enfants un quatorzième étages.Combien y-en a-t'il à Singapour?.Tout autour se dressent d'autres tours interdisant tout autres panoramas.Je nage seul dans le bassin de cinquante mètres de la belle piscine,la nuit tombe,la pluie aussi.Je sui un nanti pour quelques jours que ma bonne conscience estime tout à fait mérités.Le vagabond globe-trotter se trempe à toutes les sauces.Rhoda,la servante philippine âgée de vingt-sept ans,prépare de la bonne cuisine française comme lui ont montrée ses patrons. Singapour est une parenthèse d'aisance au bout de quinze milles kilomètres assis sur une selle,les pieds posés sur des pédales,les mains enroulées sur un guidon.Je suis arrivé ici avec un unique pantalon rapiécé,un short usé,une dernière chemise.Au quartier je fais des achats heureux.Six euros un excellent pantalon en toile,un euro une chemise en soie aux reflets dorés,deux euros cinquante un short en soie.Pour s'habiller bien le moins cher du monde,il faut se rendre à Singapour.Notre planète économique a fécondé des sociétés très contrastées,certaines ont une grosse part du gâteau des richesses.Le petit état à la pointe de la presqu'île malaisienne fait partie des heureux servis.Avec la population mélangée,les chinois,les malais,les indiens,les autres asiatiques,les occidentaux,les métis eurasiens et en provenance du reste du monde,l'ambiance et l'atmosphère ont quelque chose d'étrange.Il y a une entente générale tacite,le calme domine.Les plus hautes et les plus modernes contructions de mon voyage en Asie,les centres commerciaux les plus flamboyants,se trouvent là.Des d'arbres et de l'ombrage,des pelouses ravissantes,des parcs magnifiques,c'est la mégalopole la plus verte de la planète.La vie est respirable malgré le surnombre.Les courants venteux de la mer dispersent leurs fraîcheurs entre les hautes constructions et sur les routes enchevêtrées. Les heures typiquement françaises chez mes hôtes réveillent en moi une bonne énergie qui s'était éssoufflée.Je recharge les batteries de ma vivacité.Les fromages me font joyeux,le vin rouge grise ma natale mémoire.Je quitterai Singapour sans trop savoir ce que je pense avec un vague à l'âme qui adoucit le coeur.
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